« Nous sommes conscients que la santé peut être influencée par des facteurs tels que la profession, l’appartenance à une classe sociale et la situation sociale. Favoriser les interventions de l’État en fonction de la position sociale […] sur la base de statistiques va toutefois trop loin ». (Alois Gmür, 3 mars 2021)
Motion parlementaire « Mortalité, invalidité et risques selon la profession et la classe sociale en Suisse », déposée par la Commission des finances du Conseil national le 12 novembre 2020
Par Sandrine Maulini
Récemment, le gouvernement s’est vu interpellé par la Commission des finances du Conseil national sur le caractère lacunaire des statistiques relatives à l’espérance de vie en Suisse, qui ne distinguent que l’âge et le sexe. Le 12 novembre 2020, la Commission déposait ainsi une motion exigeant la conduite d’études permettant d’évaluer la répartition de la morbidité et de la mortalité selon la classe socio-professionnelle et demandant la mise sur pied de statistiques d’espérance de vie en fonction du revenu. Alors que le paysage politique helvétique est marqué d’intenses débats autour de la réforme de l’Assurance vieillesse et survivants (AVS 21) et que l’augmentation des coûts de la santé défraie la chronique année après année, la motion présente ces données comme un outil « indispensable pour juger de l’efficacité des politiques publiques ».
Pour les motionnaires, les bénéfices retirés de telles études et statistiques seraient doubles : elles permettraient d’une part de mettre en place une prévention plus efficace et, d’autre part, de fournir une base informée aux discussions sur le développement des assurances sociales.
Le Conseil national rejettera cependant la motion par 106 voix contre 85, suivant en cela la recommandation du Conseil fédéral pour qui la faisabilité du projet apparaît douteuse et qui souligne l’ampleur des ressources à mobiliser pour sa réalisation. Au vrai, la Commission des finances elle-même apparaissait divisée devant la chambre basse, puisqu’une dizaine de députés, principalement de la droite nationaliste et du centre conservateur, proposaient l’abandon de la proposition. S’ils avancent eux aussi l’argument des ressources démesurées et des difficultés méthodologiques qu’implique ce projet, ce ne sont cependant pas ces éléments qui résident au cœur de leur opposition. Dans son rapport de minorité, le représentant du Centre Alois Gmür déclare en effet qu’aux yeux de ces députés, « il est problématique de prendre éventuellement des mesures étatiques sur la base [des] statistiques [demandées] » [notre traduction]. Ainsi, au-delà de la possibilité ou non de mettre sur pied des études documentant les inégalités sociales de santé, c’est bien l’opportunité d’une action politique sur la base de ces données qui se trouve ici mise en question.
La motion et les débats au Conseil national sont consultables ici.