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« Unless effective action is taken we can only expect the differences in death rates and life expectancy between rich and poor to grow during your period in office as Secretary of State […]. As a first step then, may I ask you to set up an urgent inquiry to look into these issues and to recommend action? » (Richard Wilkinson, 16 décembre 1976, New Society)

DHSS (1980). Inequalities in Health. Report of a Working Group Chaired by Sir Douglas Black. Londres : Department of Health and Social Security.

Par Mathieu Arminjon

Le 16 décembre 1976, Richard Wilkinson, un jeune épidémiologiste britannique rattaché au département de la santé communautaire de l’Université de Nottingham, publie dans le magazine New Society une lettre ouverte à l’attention de David Ennals, le Secrétaire d’État aux services sociaux du gouvernement travailliste. Wilkinson y expose son analyse des statistiques nationales de santé, qui montrent selon lui que l’écart entre les taux de mortalité des classes sociales supérieures et inférieures est deux ou trois fois plus important qu’au début des années 1930. D’après lui, les données disponibles indiquent par ailleurs que cet écart s’est creusé de manière spectaculaire au cours des années 1950 et ce, en dépit de la mise en place du National Health Service (NHS). Celui ci garantit pourtant à toutes et à tous l’accès aux services de soins.

Suite à cette interpellation, Ennals forme en 1977 le Research Working Group on Inequalities in Health. Composée de Jerry Morris, de Cyril Smith et de Peter Townsend, la commission est placée sous la direction de Douglas Black, Chief Scientist au Department of Health and Social Security et président du Royal College of Physicians. Le rapport final, par la suite connu sous le nom de Black Report, paraît le 25 août 1980. Les auteurs confirment que l’espérance de vie de la population britannique a bien augmenté depuis 1945. La mortalité différentielle entre les catégories socio-économiques les plus défavorisées et les plus favorisées n’a quant à elle pas diminué, malgré l’existence du NHS. L’écart s’est même creusé. En outre, ils soutiennent que les déterminants socio-structuraux restent la première cause des inégalités sociales de santé. Sur cette base, ils formulent une quarantaine de recommandations.

Or peu avant la parution du rapport, Margaret Thatcher devient Première ministre. Le gouvernement conservateur ne met à disposition que deux cent soixante photocopies du document et ce, en plein mois d’août, la semaine du week-end prolongé du August Bank Holiday. Le rapport est par ailleurs accompagné d’une note du nouveau Secrétaire d’État Patrick Jenkin. Celui‑ci y déplore les recommandations formulées par les auteurs, selon lui « irréalistes ». Il relève aussi l’absence de consensus au sein du groupe quant aux causes des inégalités sociales de santé.

Le rapport Black représente à un double titre un moment crucial dans la recherche sur les inégalités sociales de santé. Et pour cause, il n’a pas seulement permis de mettre au jour la persistance d’inégalités sociales de santé dans des sociétés pourtant riches et dotées de systèmes sanitaires étatisés. Il a aussi révélé l’existence de forces sociales et politiques qui, par des stratégies de décrédibilisation, voire de censure, tendent à invisibiliser les données sans lesquelles la problématique des inégalités sociales de santé ne saurait devenir un objet de débat public.

La lettre ouverte de Richard Wilkinson tout comme le rapport Black sont consultables sur le site de la Socialist Health Association.